A quoi sert le secret médical

Le secret médical

Le respect du secret médical est un devoir du médecin et non un droit. Faire tomber en désuétude cette conduite séculaire du médecin serait mépriser l’un des droits fondamentaux de l’homme. Tous les patients doivent être assurés que leur confiance ne sera pas trahie lorqu’ils livrent à leur médecin une information les concernant ou mettant en cause des tiers.

Pendant des siècles les guérisseurs et autres sorciers établissaient des diagnostics et des traitements en fonction de signes lus dans les entrailles d'animaux, de positions de graines jetées à terre ou encore dans la position des planètes,     

Vers 500 av.J.-C., Hippocrate institue l'observation médicale, et fonde la médecine sur l'interrogatoire et l'examen du malade, ainsi que sur l’étude de son environnement. C'est dire que le médecin s'immisce dans l'intimité des malades, créant une relation qui n'a d'équivalent dans aucune autre situation. La connaissance de cette intimité suppose une contre-partie interdisant les relations sexuelles et obligeant de garder le secret sur ce qui a été vu, entendu et compris, pendant l'exercice de sa profession.

Cette notion de garder un secret est parfaitement intégrée dans la conscience humaine puisque déjà vers 1000 av. J.-C. un proverbe attribué à Salomon autorisait à défendre sa cause, mais sans révéler le secret d'un autre.

C'est seulement dans le Code Pénal de 1810, dit Code Napoléon, que le secret médical apparaît dans l'article 378. Il restera en vigueur jusqu'en 1994, date à laquelle il est remplacé par l'article 226-13 du nouveau Code Pénal.

Si dans certains pays le secret est reconnu légalement comme absolu, dans d'autres (souvent à régime totalitaire) il n'existe pas. En France, l'obligation du secret médical est reconnue comme générale et absolue, mais la Loi en appréciant l'intérêt social, peut dire qu'un intérêt supérieur exige la révélation de certaines constatations médicales. Il existe donc des dérogations légales au secret médical,
                          

Les Textes de lois aujourd'hui:

 Code pénal

 Art. 226-13 - La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000€ d'amende.
 Art. 226-14 - L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :
1.  à celui  qui  informe  les  autorités judiciaires,  médicales  ou administratives  de  sévices  ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou  psychique ;
2. au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises.
3. aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire.

Code de déontologie

 Art. 4 - Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa  profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.
Art. 72 - Le médecin doit veiller à ce que les personnes qui l'assistent dans son exercice soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s'y conforment. Il doit veiller à ce qu'aucune atteinte ne soit portée par son entourage au secret qui s'attache à sa  correspondance professionnelle.
Art. 73 - Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de  ces documents. II en va de même des informations médicales dont il peut être le détenteur. Le médecin doit faire en sorte, lorsqu'il utilise son expérience ou ses documents à des fins de publication scientifique ou d'enseignement que l'identification des personnes ne soit pas possible. A défaut, leur accord doit être obtenu. 

Code Civil

 La responsabilité civile peut être engagée, en cas de violation du secret médicale, si la victime de cette violation peut alléguer avoir subit un préjudice, en application de l'article 1382 qui dispose : "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel  il est arrivé, à le réparer."     

Code da la santé publique

article L110-4:  "Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant."

Code de la sécurité sociale: 
                
article L. 162-2  :
 "Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le  respect  de  la  liberté  d'exercice  et  de  l'indépendance professionnelle   et  morale   des  médecins  est  assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix, la liberté de prescription, le professionnel, le paiement direct, la liberté d'installation... " 

"Ni le médecin' ni l'avocat, ni le prêtre, ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient assurées d'un secret inviolable" Emile GARÇON Code pénal annoté, 378

 Les dérogations légales:                    

 Le médecin est obligé :
- de déclarer les naissances
- de déclarer les décès
- de  déclarer au  médecin  de  la  DDASS  les maladies contagieuses dont la  liste  est fixée réglementairement.  
- de déclarer les maladies vénériennes, éventuellement sous forme nominative lorsque le malade, en période contagieuse, refuse d'entreprendre ou poursuivre le traitement ;
- d'indiquer le nom du malade et les symptômes présentés sur les certificats d'internement ;
- de signaler les alcooliques dangereux pour autrui (pour les médecins des dispensaires, des organismes d'hygiène sociale, des hôpitaux, des établissements psychiatriques) (art. L. 355-2 du Code de la santé publique ).
- d'établir, pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, des certificats détaillés décrivant les lésions et leurs conséquences (art. L 441-6 du Code de la Sécurité Sociale)
- de fournir à leur demande aux administrations concernées des renseignements concernant les dossiers des pensions militaires et civiles.(art. 490 du Code civil, art. 327 du Code de la santé publique , art. L. 31 du Code des pensions)
- de respecter la loi n°2014-528 du 26 mai 2014, modifiant la loi n°2007-1445 du 30 novembre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté prévoit une dérogation au secret professionnel  concernant les personnes détenues.
En effet l’article 3 de la loi précise que : « Les informations couvertes par le secret médical peuvent être communiquées, avec l’accord de la personne concernée, aux contrôleurs ayant la qualité de médecin. Toutefois, les informations couvertes par le secret médical peuvent leur être communiquées sans le consentement de la personne concernée lorsqu’elles sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou sur une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».
Le médecin est autorisé :
- à avertir les autorités compétentes et à témoigner en justice à propos de sévices ou mauvais traitements infligés à des enfants ou à des personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger (art 226-14 du Code pénal)
- à témoigner (avec l'accord de victimes adultes) à propos de violences sexuelles présumées (art226-14 du Code pénal)
- à communiquer, lorsqu'il exerce dans un établissement de santé public ou privé, au médecin responsable de  l'information médicale,  les données médicales nominatives (article R710-5-1 du code de la santé publique) nécessaires à l'évaluation de l'activité.
- à transmettre les données  qu'il détient dans le cadre d'un traitement automatisé de données autorisé pour la recherche dans le domaine de la santé, (art. 40-3 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994) II faut noter que ces dérogations au secret professionnel prescrivent ou autorisent seulement une certaine révélation : par exemple, celle de la maladie contagieuse, désignée par un numéro ; celle des symptômes d'un état mental dangereux ; celle des lésions organiques causées par un accident du travail. Les lois en question ne permettent pas n'importe quelle révélation, n'importe quelle indiscrétion  à  n'importe  qui.  L'obligation  du  secret demeure,  pour tout ce qui  n'est pas expressément visé par le texte.

Il ne peut donc être dérogé au secret médical que par la loi. Ceci explique l'annulation par le Conseil d'Etat de plusieurs décrets ou circulaires organisant des procédures portant atteinte au secret médical. Mais ces dérogations législatives peuvent ne pas être toujours formelles ou explicites. Une atteinte au secret médical peut être jugée légale si elle est la conséquence nécessaire d'une disposition législative (Conseil d'Etat 8 février 1989 - Conseil national de l'Ordre des médecins).

Le patient ne peut délier le médecin de son obligation de secret. Cette obligation ne cesse pas après la mort du patient.

Le secret professionnel du médecin est à la fois d'intérêt privé et d'intérêt public :

- D'intérêt privé : le médecin doit garantir le secret à la personne qui se confie à lui ; elle doit être assurée de ne pas être trahie. Sa confiance doit être sans faille, si elle a à donner une information intime utile au médecin et aux soins
" Il n'y a pas de soins de qualité sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret" (Pr Bernard Hoerni).
Respecter le secret est un comportement imposé par la nature des informations dont la divulgation à des tiers pourrait porter atteinte à la réputation, à la considération ou à l'intimité de la personne qui s'est confiée au médecin ; le droit au respect de l'intimité est inscrit dans la déclaration universelle des Droits de l'Homme.

- D'intérêt public : les intérêts majeurs et légitimes de la société doivent être sauvegardés. Par exemple : le secret est nécessaire à la santé publique, à la bonne marche des institutions de solidarité, à la recherche médicale, ou encore à la protection des faibles (art.226-13 du code pénal). L'intérêt général veut que chacun puisse être convenablement  soigné et puisse s'adresser à un médecin sans réticence.

On comprend bien que des régimes totalitaires aient interdit le secret médical. On comprend bien l’intérêt financier que certains groupes de pression retireraient de l’abolition du secrêt médical, et les campagnes qu’ils soutiennent .  Les médecins et les patients, doivent resister et expliquer à tous que le secrêt médical n’existe que dans l’intérêt du patient , et dans celui de la qualité des soins. Le secret médical est pour le médecin un  devoir, non un droit.

Dr Ph Venier. CDOM53. 01/07/2007, mis à jour le 17/07/2014